vendredi 3 septembre 2010

Du Melhun chanté à la poésie déclamée


Si la plupart du corpus poétique populaire était destiné à être chanté conformément au rituel décrit ci haut, une partie non négligeable a été de tout temps une poésie « documentaire », évènementielle ou subjective ou de correspondance entre poètes et non destinée à la répétition chantée.

La mémoire collective- en l’absence de support écrit ou sonore- nous a légué des témoignages poignants des évènements de notre histoire relatant la résistance des tunisiens à l’invasion coloniale en 1881, ou celle relative au mouvement national. Des poètes connues ou illustres inconnus anonymes ont consigné leurs visions de ces évènements et de certaine péripéties et combats.

La puissance de la parole rimée, son pouvoir charismatique sur l’auditoire populaire n’ont pas été négligés par le pouvoir politique au lendemain de l’indépendance. Campagnes de « propagande » ou de sensibilisation des « masses » toujours est-il que des effets pervers peuvent devenir inévitables, et pouvaient déboucher sur des résultats contraires à ceux escomptés.

C’est ainsi que l’utilisation en masse d’une certaine poésie au cours des années 60 et 70 sur les ondes de la radio et sur les scènes de certains festivals, ont provoqué une désaffection du public de la jeunesse, qui est devenue réfractaire à toute forme de poésie populaire qu’elle jugeait démagogique et du genre « langue de bois ».

Ces effets dévastateurs ont conféré une image négative à la poésie populaire, il est vrai par ailleurs que grand nombre de poètes et de « versificateurs » ont participé activement à la dévalorisation d’une composante majeure de notre patrimoine, au même titre qu’un grand nombre d’autre expressions traditionnelles « folklorisés » à outrance particulièrement avec l’ouverture de notre pays au tourisme de masse des années 60, 70, 80.

Un phénomène de « dénie de soi » va toucher ces expressions chez une jeunesse qui avait du mal à identifier les éléments identitaires susceptibles de l’interpeler.

Pendant une période assez longue les expressions populaires étaient en panne d’image capable d’interpeler les siens, le phénomène de l’exode rural et la poussée des quartiers spontanés allaient contribuer activement à la négation de toute expression de « ruralité » aussi bien au niveau des accents et des parler que des symboles s’y rattachant telles les expressions musicales et poétique.

La fêlure s’amorçait entre une «culture » légale officielle virtuelle et les expressions réelles de la société. Dans les masures des bidonvilles, dans les oukalas de la médina désertée par ses habitants vers les nouveaux beaux quartiers, à Nabeul, Kairouan, Sfax, les chanteurs du mezoued galvanisaient les jeunes désabusés par Mohamed Ennouri , Zina Ettrabelsia et Guefla T’ssir (ڤافلة تسير)

C’est avec une nouvelle générations de poètes que la relance allait s’opérer, une génération d’à peine 40/50 ans qui a consommé sa rupture avec la vieille garde d’un classicismes dépassé, et libéré des contrainte de la métrique et de la rythmique et surtout qui s’inscrit dans un imaginaire contemporain qui répond réellement à une attente esthétique, linguistique et thématique.

Des poètes rétifs, ouverts sur un monde en pleine mutation et l’intégrant dans leur monde poétique dans une langue moderne qui puise son registre dans les trésors de la langue dialectale d’aujourd’hui et accessible à tous les auditeurs.

La poésie populaire aujourd’hui constitue l’un des point de ralliement aussi bien d’auditeurs que de lecteurs, plusieurs poètes se sont mis en effet aux techniques de communication actuelle telle l’édition sur papier de recueils de poésie, ou sur des C.D, la création de site web.

Parmi les figures brillantes de la poésie populaire tunisienne contemporaine, émerge celle de Mohamed El ghezel Kthiri natif en 1959 à Mezzouna terroir des M’hadhba, Mezzouna que l’on considère réellement comme un terreau fertile de poésie et de poètes, le plus célèbre parmi eux et certainement Chahed Labiedh l’oncle de notre poète. Chahed Labiedh dont la renommée se propagea à la suite de sa répétition du refrain La La La en interprétant sa malzouma : Mor fraguek ma togtach, qui a enflamé les gradins du théâtre romain de Carthage un certain été 1980.

A côté des enfants de son pays natal, Mouldi Hdhab et Lazhar belouafi, ainsi que Bechir abdeladhim et tahar M’bikha de Ghlissia prés de Douz, Belgacem Abdeltif et Mohamed Belltaief, Mounir ben Nasr, Ayoub Lassoued, Taoufik Sghayer de Douz, Mohamed El Mabrouk d’el faouar, Mohsen Khamassi de Dahmani, Saâd Thabet de Ben Gardene, Taïeb Hammemi de testour et d’autres encore nombreux, Kthiri affirme son positionnement comme valeur sûre et incontournable dans la poésie populaire contemporaine ave son souffle novateur dans :

· Les thèmes qu’il aborde qu’ils soient traditionnel ou lyriques.

· Sa maîtrise linguistique aussi bien dialectale que littéraire « dialectisée »

· Sa maîtrise de la métrique dans laquelle le « Bourjila » avec toutes ses nuances demeure son mètre préféré

· Son imaginaire et ses images poétiques qui transitent et s’interpénètrent entre une bédouinité qui est l’essence même de son inspiration et une urbanité magnétique dont les constituants et les yeux l’attirent. Entre le passé des locutions oublié ou occulté et leur présent hégémonique et déferlant pour sertir avec des bijoux , des colliers et des tissages avec lesquelles il pare la patrie, ses villes, ses terroirs, ses gens, ses belles… et de reconnaissance aux géniteurs…

Un souffle novateur qui hisse notre poète à une situation élevée parmi les refondateurs de la poésie populaire tunisienne, qui s’est longtemps laissé aller à la facilité du mimétisme et s’est confinée dans la répétition banale et rébarbative, au point de la rupture avec les nouvelles générations en quête de poétique nouvelle.

1 commentaire:

redouane a dit…

Bel article.
pour info à demi hors sujet
j'ai trouvé encore de la déclamation en poésie de langue française mais c'est rare :

http://www.youtube.com/watch?v=kQY4MagUNjY

C'est vrai que l'habitude de parler au micro l'habitude des voix TV radio ou cinéma ont enlevé la déclamation de la scène. mais il reste le chant et la poésie chantée